S’armer
L’eunuque de France
L’eunuque de France
L’étoffe des héros
L’étoffe des héros
Selon la tradition hindoue, notre époque est celle du Kali-Yuga, dernier âge du cycle cosmique, un âge où l’injustice, la corruption et le vide spirituel règnent en maîtres. C’est une période propice à l’apparition des héros qui se dressent contre le désordre établi, se mettent au service de la vérité et consacrent leur vie au combat pour la justice et la dignité humaine. Dans un monde où la médiocrité est la règle, ces êtres providentiels sortent immédiatement du lot ; ils émergent, dissonants, au milieu du chaos ambiant. Juan Branco et Mehdi Belhaj Kacem (MBK) font partie des figures populaires qui se sont élevées contre le marasme, refusant les privilèges qu’on leur a fait miroiter, allant littéralement au sacrifice pour défendre la vérité, combat salutaire source de toute dignité, mais surtout pour faire corps avec la lutte, la porter coûte que coûte et la hisser triomphant sur les ruines d’un système finissant. Encore mieux, Juan et Mehdi ont réussi à infiltrer la machine, chacun dans son domaine respectif (la philosophie pour l’un, la politique pour l’autre), ils ont réussi à jouer avec les codes, sans jamais rien renier de ce qu’ils sont, pour être le grain de sable qui fait bugger la matrice.
C’est un véritable travail d’alchimiste qu’ils effectuent sous nos yeux avec l’inévitable œuvre au noir augurant l’évènement de la transmutation libératrice. Les voici réunis dans un ouvrage qui fera date malgré son invisibilisation certaine, ce qui, par les temps qui courent, est plutôt bon signe, à une époque où être adoubé par le système revient à collaborer avec la conspiration ambiante identifiée par Guy Debord. Conspiration des élites marketisés contre le peuple et contre les guerriers intellectuels qui infusent leurs idées dans le magma des révoltes qui couvent. L’évènement des “Gilets jaunes”, son envergure, son ampleur fulgurante qui a fait trembler les hautes sphères, doit beaucoup à l’intervention providentielle de Juan Branco, engagé dans l’action de résistance, et de MBK, tête pensante (bien que souterraine) des collectifs disséminés sur les ronds-points de la France profonde.
D’après Juan lui-même, je suis le premier lecteur de cet ouvrage. Et c’est bien la moindre des choses… Dès l’annonce de sa sortie, je me suis rué sur ma liseuse pour acheter ce livre qui réunit deux hommes que j’admire et respecte profondément. Le fruit de cette rencontre est un dialogue riche, très dense au niveau philosophique, qui retrace le parcours exceptionnel de Juan Branco. Grand adepte des conférences dialogiques, MBK maîtrise à merveille l’art de la maïeutique et lance Branco sur des chemins insoupçonnés, éclairant d’une lumière nouvelle son engagement constant et sans faille pour la vérité.
D’abord : le milieu qui conditionne le futur avocat, ses origines espagnoles et portugaises, son enfance, sa fréquentation précoce des vedettes de cinéma grâce à son père, le producteur Paulo Branco. On croise David Cronenberg, Monteiro, l’immense critique Serge Daney… Pour ma part, en bon cinéphile du dimanche, je me souviens avoir visionné un entretien d’anthologie mené par Juan Branco et son père avec Jean-Luc Godard. D’emblée, on comprend le rapport au réel, l’art du storytelling, la tentation de “mythologiser”… Branco est l’archétype du trickster, ce concept du joueur développé par MBK lorsqu’il faisait partie du collectif Tiqqun – dont est issu le mythique Comité invisible – celui qui connaît par cœur les règles du jeu et qui sait jouer avec, les transgresser tout en n’ayant pas l’air, sans se départir de l’inévitable dimension tragique, dostoïevskienne, du joueur. Les gens tels que Juan provoquent souvent la suspicion, le doute d’autrui sur les grandes lignes d’une vie déjà bien remplie avant d’atteindre la majorité. Il y a une forme de jalousie derrière ces réflexes pavloviens vis-à -vis de gens qui suivent la voie d’un destin à contre-courant de la platitude et du néant érigés en norme. On sait que le poète Saint John Perse avait tendance à s’arranger avec le réel en compilant sa biographie pour La Pléiade. Mais Juan Branco n’a pas besoin de le faire : sa vie se fabrique comme une fiction. On peut parler, à la suite de Lacoue-Labarthe, d’une vie authentiquement politique, avec la volonté irrépressible, mais piégeuse, de “faire mythe”. La figure du père y est pour beaucoup : absence d’autorité, désir de compensation, atavisme… Certains mots résonnent de manière singulière : névrose, besoin de virtualité, “autisme”… et cet aveu : “Je ne suis jamais arrivé à être un animal social”. D’où cette constante de fréquenter sans jamais s’intégrer que j’ai fait également mienne, un peu malgré moi, en assumant assez tardivement ce que je considérais comme un handicap pour une vie “normale”, c’est-à-dire vivre ou avoir l’air de vivre en société (y compris en famille), et en apprenant à utiliser ce que je suis comme un atout. Pour, in fine, apprendre à voir les acquis sociaux qu’on nous fait croire indispensables comme un moyen et non comme une fin en soi. Pour Branco, intégrer Sciences Po ou Normale sup permet d’apprendre les codes du système sans l’intégrer, pour, en temps voulu, les retourner contre lui. Ainsi, sa proximité avec Richard Descoings, sa rencontre précoce avec Dominique de Villepin, sa relation de conseiller de l’ombre et confident avec l’ex-ministre Aurélie Filippetti, qu’on découvre être, sans surprise, totalement incompétente, dépressive, avec en prime une tendance à l’autodestruction, complètement dépassée par l’ampleur de la tâche en plein combat contre la loi Hadopi. Cette accumulation de capital symbolique n’a qu’un seul but : ne pas adhérer aux obligations imposées par le système, ne pas obéir à la tyrannie du “statut”, provoquer une “mise en tension” perpétuelle de l’institution, gripper la machine à l’aide de “micro-sabotages”, dans le sillage de Deleuze qui a identifié le psychopouvoir capitaliste et son micro-fascisme fait de peurs, d’angoisses, de suspicions, menant tout droit à l’insoutenable dictature macrono-covidienne. Les “micro sabotages” passent aussi par son expérience précoce dans le cinéma, en témoignent la projection du film Salo et les 120 jours de Sodome de Pasolini à Sciences Po ou encore cette lettre ouverte contre la loi Hadopi qu’il arrive à faire signer au gratin du cinéma français avant de la faire publier dans Libération. Une forme d’anarchisme qui ne dit pas son nom destiné à “faire événement” au cœur même du pouvoir. Toujours dans l’esprit deleuzien, lire et connaître Juan Branco me fait l’effet d’une “micro-joie” salutaire, une forme d’osmose intellectuelle, comme ce fut le cas avec MBK qui écrivit dans sa préface à mon essai L’épreuve de vérité : “Découvrir Ali fut une fête pour ma pensée1.” Déjà en 2017, je découvrais son analyse d’une grande finesse philosophique sur Daesh et les attentats du Bataclan, à partir d’Adorno et de Bataille2. Beaucoup plus intéressant que les inepties de Michel Onfray sur le sujet… De même, son pamphlet Contre Macron et le classique Crépuscule, bien loin de l’indigent Foutriquet du même philosophe de plateaux télés. À cela s’ajoute une proximité brève avec le philosophe Alain Badiou qui a publié sa critique de la Cour Pénale Internationale en 20163. Petit point commun avec MBK dont on connaît le lien intellectuel avec Badiou avant leur rupture définitive, suite à la publication d’un pavé mémorable4 dont l’onde de choc perdure encore au sein de l’intelligentsia parisienne (j’ai pu m’en rendre compte personnellement).
Devant la richesse du parcours intellectuel et militant de Juan Branco, je ne peux m’empêcher de penser à une figure majeure de la littérature du siècle dernier : Dominique de Roux. Il faut dire que les points communs sont nombreux avec ce grand écrivain engagé pour la vérité et la liberté, qui écrivait, dans Immédiatement, “ le malheur d’être né en français”. On retrouve chez les deux hommes cette nécessité de l’engagement perpétuel, sans concession, avec une forme de témérité qui confine à la noblesse, ce “besoin de terrain” quasi vital, la grande proximité avec l’Afrique, le Portugal est également présent avec le lien mystique que Dominique De Roux entretient avec ce pays. Mais aussi les tombereaux d’accusations fallacieuses de la part des thuriféraires du système, destinés à salir celui qu’on accusait tout à tour d’être “fasciste”, “maoïste” ou “maurassien”… Comme Dominique de Roux, Juan Branco incarne une singularité à toute épreuve, il est le représentant parfait du solitaire absolu, pour reprendre l’expression utilisée par Roland Barthes à propos de Philippe Sollers. Il y a quelques années, lors d’une discussion que j’ai eue avec le biographe de Dominique de Roux, ce dernier s’étonnait de voir un jeune marocain s’intéresser autant au fondateur des Cahiers de L’Herne. On pourrait avoir la même remarque concernant mon intérêt pour Juan Branco et ses hauts faits. Outre l’affinité intellectuelle évidente, il y a une convergence des luttes traversée par une soif de justice et d’équité, qui dépasse largement le cadre franco-français, en témoignent les graves péripéties de Branco en Afrique (enlèvement en Mauritanie, emprisonnement au Sénégal, la récente tentative d’empoisonnement en RDC) mais aussi son engagement pour la défense juridique des victimes palestiniennes contre l’appareil d’État israélien, avec le soutien de l’Espagne, une défense qu’il est prêt à assumer sans contrepartie, il faut le souligner. Il déclare dans une conférence de presse à Dakar, que les enfants de Gaza sont “les alliés naturels de tous ceux qui, des Gilets Jaunes à la jeunesse de Dakar, luttent pour défendre leur souveraineté”, tout en exhortant le Sénégal à le rejoindre dans son action pour la Palestine devant la CPI. Concernant la CPI, Juan revient en détail sur son expérience au sein de l’institution de La Haye et affirme : “J’ai assisté de l’intérieur à comment la CPI est devenue un instrument au service des États-Unis et de la France pour lancer la guerre en Libye.” On peut sans crainte ajouter Israël dans la liste des États voyous qui s’assoient sur le droit international pour mener leurs guerres destructrices. Ainsi, l’impunité constante dont bénéficie le premier ministre israélien y compris lorsqu’il viole l’espace aérien français, l’étrange mise à l’écart, après des allégations d’harcèlement sexuel, du procureur de la CPI qui a émis un mandat d’arrêt contre le criminel de guerre Netanyahu. Avoir eu accès aux coulisses du complot contre le droit et la justice internationale est un privilège rare et Juan nous raconte les intrigues du palais de justice par le menu. Comme l’affirme Jacques Vergès dans son journal : “Les juges sont comme les cuisiniers. Ils n’aiment pas qu’on les regarde quand ils font la cuisine.” Juan dévoile le pot aux roses et se voit même menacé de poursuites pour complicité de crime contre l’humanité par la CPI ! La question inévitable est posée par MBK : “Vous avez affaire à BHL (Bernard-Henri Lévy) à l’époque ?”. On sait que MBK était aux premières loges durant le printemps arabe en Tunisie, son pays d’origine. À l’époque, il a tenu un blog en tant que témoin de “la première révolution situationniste de l’histoire”, au sein de La Règle du Jeu, la revue fondée par… BHL. “Ce blog, mon tout premier, était destiné à gentiment préparer la parution de mon Après Badiou” écrivait MBK. Lui-même m’a raconté certains détails édifiants de son expérience avec BHL qui a édité son pamphlet philosophique en 2011 et l’a reçu dans sa luxueuse résidence du sixième arrondissement… Personnellement, je croise le philosophe milliardaire pratiquement chaque mois d’août à Tanger (il y possède une résidence à plusieurs millions d’euros qu’il a mis en vente il y a quelques années), apparaissant entre les tables d’un restaurant comme un diable de sa boîte avec sa tignasse et son éternelle chemise blanche à moitié ouverte. Il y a quelques semaines à peine, je l’ai aperçu dans un palace de la ville où il a ses petites habitudes. Quelle ne fut pas ma surprise de le voir le lendemain matin sur une chaîne info spécialisée dans le service après-vente de l’appareil d’État sioniste, déblatérer sur “le génocide au Soudan” afin de faire diversion et d’éclipser celui (bien réel) de Gaza. “BHL c’est l’autre partie”, nous dit Juan Branco… BHL est un monde à part. Pourfendeur du réel et donc des Gilets Jaunes, chantre de la “médiocrisation de l’espace intellectuel français” et donc soutien actif de Macron, VRP de la politique atlanto-sioniste et donc de la guerre en Libye et du génocide à Gaza, capable de faire un aller-retour d’une journée de son lieu de villégiature tangérois aux studios de télés parisiens (“il a les clés”, dixit un célèbre humoriste qui sait de quoi il parle), afin de veiller au bon fonctionnement de la machine de propagande médiatique.
La familiarité de Branco avec l’entre-soi politico-médiatique parisien relève des conditions initiales d’une existence subie plus que choisie. Elle lui a permis de l’infiltrer avec aisance car les codes étaient déjà connus et maîtrisés. MBK évoque la figure de l’idiot de Dostoïevski, sa pureté et son honnêteté qui le pousse à tout dévoiler sans penser aux conséquences. Sa parole de vérité hante ces lieux de perdition où les cerveaux s’atrophient et les âmes s’anéantissent, que MBK appelle “mausolée des intellectuels”5. Juan revient sur sa relation particulière avec Julian Assange, le fondateur de Wikileaks dont il devient l’avocat malgré les risques encourus, ses visites régulières à l’ambassade d’Équateur à Londres truffée de micros et de caméras espions, ses entretiens dans les toilettes pour femmes de l’ambassade, seul lieu dépourvu de caméra… Dès lors, il est “cramé” à vie, apprend à vivre avec une paranoïa constante, continue son travail d’avocat au service des lanceurs d’alerte et des opprimés, développe une pensée subversive en acte qui attise les aboiements hystériques des myrmidons au service du pouvoir. Tout récemment, Daniel Schneidermann s’est illustré dans sa défense à peine voilée de son bienfaiteur le milliardaire Xavier Niel, un des faiseurs du roi Macron, alors qu’il pensait sûrement faire une faveur à Juan en le recevant dans son émission. La vidéo de l’entretien est supprimée peu de temps après. Quelques jours plus tard, il reçoit Rima Hassan et la drague ouvertement… Comportement pitoyable mais très révélateur d’une certaine disposition d’esprit, due à des années de tapinage intensif pour le système, qui ne s’attache qu’aux apparences afin d’occulter systématiquement le moindre soupçon de vérité. S’ensuit une description de son engagement au sein des Gilets Jaunes, soulèvement populaire sans précédent qui lui permet de continuer le combat amorcé avec Assange, et même de fusionner les deux. On apprend que les mêmes techniques de contrôle sont mises en place par un pouvoir en pleine phase de déchéance, accompagnée de la violence verbale d’un Macron honni et en panique (un français sur deux souhaitait sa démission en 2018), la violence physique des CRS, mais aussi le bras de fer avec les soraliens, les tentatives d’opposition contrôlée… Et puis, il y a ce constat, implacable : “Ce régime, et c’est ce qu’on se refuse de voir, n’a tenu que parce qu’il n’y a pas eu de désolidarisation des forces de l’ordre.” Le printemps français n’était pas loin… Je me souviens avoir eu un bref mais intense aperçu de la violence étatique à cette période, lorsqu’avec ma compagne nous nous sommes retrouvés encerclés, en pleine place de la Comédie à Montpellier, par un cordon de CRS venus en découdre avec les manifestants. Explosion de bombes lacrymogènes, les matraques de sortie… Aucune distinction entre Gilets jaunes et simples passants… Nous nous en sommes tirés in extremis. Proclamé “philosophe des Gilets Jaunes”, Mehdi a multiplié les vidéos didactiques destinées aux citoyens révoltés, fustigeant “le fascisme oligarchique” dans la préface d’un livre6, tandis que Juan enfilait son gilet pour défiler au milieu du vacarme assourdissant des LBD, mais aussi sa robe d’avocat pour défendre à titre bénévole les figures majeures du mouvement. “Je suis avocat, et je suis au RSA. Je me bats gratuitement pour les Gilets jaunes”, a-t-il lancé devant un Cyril Hanouna vulgaire et condescendant. Ce travail salutaire qui allie action et réflexion (ou la théorie de la pratique pour reprendre le vocabulaire situationniste) a connu une réception naturelle chez une population déjà conscientisée, totalement au fait des enjeux sociopolitiques du soulèvement auquel ils participent. J’ai pu me rendre compte du degré de conscience politique des Gilets Jaunes lors d’une tournée de conférences avec MBK qui nous a mené jusqu’aux confins des montagnes vosgiennes. Par la même occasion, j’ai pu aussi m’apercevoir à quel point les blessures étaient encore vives chez ceux qui ont subi, dans leur chair, la violence d’un régime fascisant. J’ai encore en mémoire les sanglots de cet ouvrier qui me racontait comment il avait tout perdu à cause de la répression étatique impitoyable. Les non-vaccinés et les soignants suspendus avaient également rejoint les rangs des victimes d’un psychopouvoir féroce et sans pitié. Après les Gilets Jaunes, la résistance s’est organisée autrement. Elle s’est pérennisée en se diffusant de manière souterraine et en devenant de ce fait difficilement identifiable. À l’image d’un pouvoir qui tente d’infiltrer les moindres parcelles de vie possible. “La France est devenue invivable”, m’a confié Mehdi juste avant de quitter le pays pour se fondre dans le secret d’une vie clandestine. Comme Juan, lui et son entourage proche ont aussi été la cible du pouvoir qui a essayé de porter atteinte à leur intégrité physique.
Comme à son habitude, Juan Branco va jusqu’au bout de son combat politique : il fédère une communauté, constitue un véritable réseau souterrain (Aurores), et annonce sa candidature à la présidentielle 2027. Tandis que, de l’autre côté de la barrière, on multiplie les efforts pour le discréditer et le mettre hors-jeu, y compris au sein même de l’institution judiciaire française qui menace de le radier de l’Ordre des avocats. Preuve d’une vraie inquiétude de la part des puissants de tout bord, prêts à en découdre par tous les moyens. Car, en se présentant comme candidat potentiel à la présidence, Juan Branco incarne non pas un énième candidat anti-système – trop prévisible – mais celui qui est véritablement contre le système (tout contre diront certaines mauvaises langues), un hacker capable de faire bugger la matrice, comme on en voit rarement au sein des “démocraties” occidentales. Juan Branco est l’anti-Macron car il connaît parfaitement son milieu, ses relations plus ou moins secrètes avec les puissants (il a eu le mérite de mettre en lumière le rôle majeur de Henry Hermand dans l’ascension politico-financière de Macron), il sait l’incompétence et l’opportunisme des macronistes, les rouages d’une caste déconnectée, qui assure un rapport de domination artificielle avec le peuple tout en organisant son impuissance à grande échelle. Et c’est en cela que Juan Branco est dangereux. Il a dépassé définitivement son rôle providentiel de lanceur d’alerte pour empiéter sur les plates-bandes de l’ennemi, entrer de plain-pied dans le vif en embrassant pleinement le combat politique, car, de son propre aveu : “devenir Mediapart, ce n’est pas mon sujet”. Il a compris que l’esthétique ne suffit pas à entretenir une véritable volonté politique (à moins de la transformer en mythe, caractéristique commune à toutes les dictatures), et qu’il s’agit véritablement de créer une esthéthique, pour reprendre le néologisme de Lacoue-Labarthe. Crépuscule reste un grand livre car il montre le délitement par le haut d’un régime fascisant avec une précision quasi mathématique. Il a montré qu’il y a une continuité dans la machine systémique et affirme, à la toute fin de son entretien, que la “pierre de touche” de son travail est “le transfert des réseaux Sarkozy vers la macronie”. À coup sûr, Crépuscule sera étudié par les historiens qui se pencheront sur cette sombre période de l’histoire de France, et ce, malgré la volonté toujours vive d’étouffer la parole de Juan. La mort sociale et médiatique de Juan Branco, actée par un boycott en règle des médias dominants, s’est muée en un véritable réseau de résistance clandestine tandis que son audience ne cesse d’augmenter au sein des médias alternatifs. Par son insoumission et son refus de rentrer dans le rang, Juan incarne le hors-la-loi par excellence, la figure du Rebelle – qui n’est pas celui trop contemplatif du Recours aux forêts d’Ernst Jünger – cet Homme souverain dans sa solitude qui vit dans une dignité authentique. Il fait de la politique hors les murs comme MBK fait de la philosophie de la même manière. Quand Mehdi évoque “le paradigme du roi nu” pour décrire cette innocence quasi enfantine qui caractérise le dire-vrai de Juan (et qui transparaît jusque dans son aspect physique), il affirme “rester un enfant dans un monde adulte avarié”. Cette citation me rappelle Pasolini, le grand poète révolté, ardent défenseur de la liberté et de la vérité jusqu’à en payer le prix ultime, qui clamait haut et fort dans son Journal : “Adulte ? Jamais”. Et l’on sait depuis Nietzsche, qu’il n’y a pas plus sérieux qu’un enfant qui joue…
Auteur: Ali Benziane (source: contrelitterature.com)
Je vous écris d’un pays en guerre
Je vous écris d’un pays en guerre
Je vous écris de Moscou, où j’ai été invité à présenter un film, dans un exercice de grand contournement, sur la justice et la politique, la violence et la mort.
Alors que je m’envole pour la Chine, puis le Brésil, je tiens à vous dire une chose.
Je vous écris depuis un pays en guerre. En guerre contre les Etats-Unis, et qui, je l’espère, ne le sera jamais contre la France.
La confrontation entre ces deux blocs date depuis plusieurs décennies. La France, sous de Gaulle, a su s’extraire du piège dans laquelle on tentait de l’enfermer, qui aurait fait de l’Europe un terrain d’affrontement direct alors même qu’il venait d’être dévasté.
En refusant l’AMGOT, l’OTAN, l’Europe telle qu’on l’a depuis construite, la France a construit un équilibre qui a fait sa prospérité, et qui depuis quelques décennies, commence à s’effondrer.
Ces dernières années, le piège a commencé à se refermer. Sur nos populations tout d’abord, chargées de financer le coût de cette guerre, par l’explosion des prix de l’énergie, en surpayant notre gaz aux états-unis, mais également les armes que nous faisons livrer en Ukraine, quand nous ne nous chargeons pas directement de les fabriquer et de les livrer.
Des armes qui coûtent des vies, qui prolongent depuis trois ans un conflit.
Des armes financées et livrées à mon sens illégalement, à travers un « Fonds pour la paix » de l’Union Européenne qui en théorie, et de façon très explicite, l’interdit.
Je n’ai aucune affinité avec les systèmes de pouvoirs qui ici ou là dominent. Vous le savez mieux que moi.
En répondant à l’invitation d’un festival de cinéma privé, en échangeant avec le public qui a assisté à la projection, en un pays à la culture duquel j’ai toujours été lié, un lien frêle entre deux sociétés, un espoir également, afin de résister aux tentations et provocations d’une fuite en avant qui ne ferait que servir des ambitions personnelles et des politiciens décharnés.
Ici la vie est rude, les prix ont lourdement augmenté, et la mobilisation citoyenne, silencieuse mais déterminée, a permis d’éviter qu’une nouvelle conscription soit déclenchée.
Ce n’est pas rien, en un tel pays où les marges de manoeuvre de la société sont si limitées.
Les sanctions ne fonctionnent pas. Mercedes Benz a toujours son emblème à Chermetchievo, Starbucks est devenu Star Café, les étals sont remplis, y compris de produits importés.
Aucune pénurie n’est à noter. Partout des produits censément interdits, qui coûtent simplement plus cher aux populations. Les Porsches et BMW, comme le reste sont vendues neuves, simplement transvasées par des pays tiers, enrichissant et renforçant des circuits de corruption déjà existants.
Les sanctions alimentent ainsi la montée des inégalités et des injustices. Elles n’ont, à ma connaissance, à ce jour jamais fonctionné, dans aucune situation. De Cuba à l’Iran en passant par la Corée du Nord ou la Birmanie elles n’ont permis que de renforcer les régimes visés. Isolant et paupérisant les sociétés, elles leurs privent d’armes dans leur lutte pour leur souveraineté.
Elles ne sont, à mon sens, qu’un instrument dans la guerre économique que les Etats-Unis mènent au reste du monde, et en particulier à l’Europe, première visée, trop fière, trop aliénée, pour l’accepter.
Je ne prône pas leur levée unilatérale. Je ne plaide aucune complaisance. Je ne plaide aucun renoncement. Mais je préviens tous ceux qui les maintiennent et s’enfoncent dans une posture confrontationnelle.
Je préviens en particulier Emmanuel Macron, qui parle jusqu’à plusieurs fois par jour avec Benyamin Netanyahou, auteur des pires massacres du siècle, et s’y est refusé pendant deux ans avec le Président de ce pays.
La politique que nous avons adoptée, bête et incohérente, faite de coups d’éclats et de postures de farfadet, allant dans tous les sens, renforce les forces sombres et ne nous amène à aucun résultat.
Son instrumentation du régime de Kiev, et ses manoeuvres auprès de Donald Trump, n’ont de réussite qu’apparente et tactique. Jouissance de l’instant, échec dans le temps. Un pays dévasté, n’y trouve aucune sécurité.
Quant aux peuples, ils s’en trouvent abandonnés. Or c’est eux qui forceront demain la paix, et non ceux qui en occupent les palais.
Je préviens en conséquence de ce qu’une absence de dialogue culturel, social, humain, de ce que, de façon plus générale, notre approche complétement paranoïaque à l’égard de ce pays et de cette « menace », nourri, pour les Français, mais également pour les ukrainiens que nous prétendons ainsi aider, et pour une Russie dont certains semblent oublier qu’elle continuera, demain, quoi qu’il arrive, et comme nous, à exister.
Ce qui se joue sur ce front russo-américain, dont l’Ukraine n’est que le plus sanglant et immédiat terrain, est une tragédie que l’ont doit contribuer à faire cesser par tous moyens, en retrouvant une distance, un équilibre, et une constance qui n’auront cessé de nous manquer.
N’oublions pas que les morts ne ressuscitent pas et que la morale en ces matières n’aide pas.
Il nous faut composer avec un monde que nous ne dominons pas, et qui chaque jour nous comprend moins.
Veillons à ne pas nous égarer, à force de nous être renfermés et aveuglés.
Pensées.
Willy Le Devin, Xavier Niel et Libération
Vous voulez savoir quelles sont les sources et les protecteurs des journalistes ? Regardez qui ils vantent, vous saurez qui ils servent.
Ici, Willy Le Devin, du journal Libération, en un portrait de Caroline Toby, avocate de Xavier Niel et de Mimi Marchand.
Le même Le Devin qui poursuit Juan Branco de ses mensonges depuis des années, qui, il est vrai, à le tort de ne pas défendre des milliardaires propriétaires de presse et piliers de la macronie.
L’article est un monument de faisanderie.
« Est-ce l’angoisse de cet exercice inédit avec la presse qui la métamorphose en pipelette? Ou se révèle-t-elle au naturel, joviale, pétaradante? Ses proches la décrivent en tout cas ainsi: furieuse au karaoké, volubile à souhait. De celles qui foutent Daft Punk si fort dans les haut-parleurs de la bagnole que les piétons frémissent. Caroline Toby est à la fois une enfant du XVI e arrondissement de Paris et une déracinée. Scolarisée au prestigieux lycée Janson-de-Sailly, elle fait des baby-sittings, ado, chez le journaliste et écrivain Pierre Assouline, qui habite alors le même immeuble. «
Mais on apprend toujours de ces retours de manivelle, qui comme l’inconscient, révèlent toujours quelque chose, au détours d’une phrase:
« Les clients et les magistrats l’adorent, elle obtient beaucoup de choses par le relationnel »
La réalité est plus crue. Le cabinet Szpiner, où exerce Caroline Toby, s’est érigé en pilier de l’impunité du petit Paris, comme l’a montré notamment l’affaire Arbittan, grâce à l’entresoi savamment entretenu avec le pouvoir et les magistrats.
Mais cela, c’est impossible à dire et assumer pour un journaliste qui boit avide à cette source qu’il est censé traiter avec honnêteté, distance, et intégrité.
En tous cas, Libération, qui se voulut un jour de gauche, adore définitivement les milliardaires de droite, surtout lorsqu’ils ont été proxénètes, et leurs moines-soldats.
Ce n’est pas une surprise, puisque ses journalistes n’en sont au final que leurs employés.

La France et l’Orient – par Juan Branco
Le gouvernement de Benjamin Netanyahou met en danger la paix et la stabilité dans le monde, et menace la subsistance des populations juives au Proche-Orient.
L’arrestation du chef de gouvernement de l’État d’Israël, des principaux membres de son cabinet et de l’ensemble des dirigeants ayant conçu, mené et exécuté l’offensive contre Gaza depuis le 8 octobre 2023, doit devenir une priorité.
Le soutien massif de la population d’Israël à ses initiatives doit être actée, et nous amener à réactualiser nos positions constantes sur la région.
La rupture des relations diplomatiques avec l’État d’Israël, faute de cessation des massacres à Gaza et des tentatives de changement de régime en République d’Iran, doit être envisagée.
En Palestine, la solution à deux États apparaît désormais caduque. La fin de la colonisation, le retour de tous les réfugiés palestiniens, la garantie des droits de tous, chrétiens, laïcs, musulmans, juifs, druzes, bédouins, au sein d’un État unitaire, pluriconfessionnel et pluriethnique, apparaissent désormais comme les seules perspectives viables pour la Palestine historique.
Celle-ci doit redevenir une terre d’accueil offrant des droits égaux à tous ses citoyens, dans le cadre d’institutions garantissant à tous l’égalité et la liberté.
En ce qui concerne l’Iran, la civilisation perse a façonné et nourri, depuis des millénaires, l’histoire de l’humanité.
Elle ne doit ni ne peut, en une quelconque circonstance, devenir l’ennemie de la France, quelle que soit la nature du régime temporairement chargé de la diriger.
Un pays de 100 millions d’habitants, ayant des frontières avec l’Afghanistan et le régime Taliban, le Pakistan et ses armes nucléaires, l’Irak, le Haut-Karabagh, la Turquie, dominant le golfe persique, composite, formé par de puissantes minorités, ne saurait, sans conséquences, se voir déstabilisé.
Il convient en conséquence d’adapter nos positions diplomatiques afin d’assurer la paix.
La dénucléarisation de l’Iran ne peut qu’impliquer celle de l’État d’Israël.
La reconnaissance de la légitimité des autorités Houthis et de leur souveraineté sur le territoire yéménite, la fin du soutien aux coalitions militaires qui se sont saisies d’une partie du territoire en coopération avec des forces terroristes, dont Al Qaeda, doit accompagner un plan de paix permettant de mettre fin à leurs hostilités.
En Irak, l’intégration définitive des branches militaires de Hachd Al-Chaabi à l’État irakien, où l’Ayatollah Sistani a joué un rôle fondamental dans la contention de Daesh, la normalisation du rapport aux minorités, qu’elles soient sunnites, yezidies ou kurdes, est nécessaire.
En contrepartie, un désengagement militaire des Etats-Unis doit être demandé, et s’accompagner d’une offre de soutien à la mise en oeuvre d’une politique de souveraineté, notamment dans la production énergétique, et d’appui aux élections de novembre.
En Syrie et au Liban, des assurances concernant la protection des minorités chiites et chrétiennes peuvent seules empêcher la reconstitution des milices défaites, et leur intégration aux États, accompagner le retrait progressif des forces occidentales.
La question kurde, cruciale, devra partout être traitée.
La France, enfin, devra veiller à réduire sa dépendance énergétique à l’égard des puissances du Golfe et de la région.
Ce n’est que sur ces fondements que le retour à l’ordre international, et au droit, seront possibles.
Certains aventuriers nous veulent à la veille d’une déflagration mondiale.
D’autres prospèrent sur les décombres d’une catastrophe qu’ils désirent, et souhaitent alimenter.
D’aucuns enfin, sans idées, se contentent de reproduire des schémas qui ont échoué.
Le spectre du Moyen-Orient nous guette, à travers un retour de feu du confessionnalisme et de la violence fanatisée qui atteindrait à notre sécurité.
Les voix s’opposant au néant sont rares, et elles seront ciblées.
Il nous appartient de veiller à les protéger.
2027 est loin, mais nous n’avons désormais d’autre choix que de nous y préparer.
APPEL AU RASSEMBLEMENT – 16 JUILLET 2025 – PARIS – RADIATION DE JUAN BRANCO
Le harcèlement institutionnel à l’égard de Juan Branco prend des proportions historiques.
Pour la première fois, les quatre plus puissantes autorités judiciaires françaises se sont réunies pour éliminer un avocat.
Le ministre de la justice Gérald Darmanin, le Premier président de la Cour d’appel de Paris, le Président du Tribunal Judiciaire de Paris (devenu directeur de l’inspection des services judiciaires) et le parquet général ont décidé d’obtenir la tête de Juan Branco.
Ils ont tous saisi le bâtonnier afin de le faire radier, sans enquête déontologique préalable.
Quels sont les motifs ?
- Avoir utilisé une enveloppe noire (et dorée) dans une correspondance avec un magistrat, ce qui, selon le parquet général « suggère une approche hostile et menaçante ».
- Avoir rappelé l’ancrage colonial de la procédure de retrait de nationalité à Kemi Seba
dans des écritures au conseil d’État, ce qui, selon le ministre de l’intérieur devenu garde des sceaux qui a également porté plainte pénalement, serait inacceptable. - Avoir révélé dans un tweet que le Président du Tribunal Judiciaire de Paris avait menacé le bâtonnier de Paris de rupture des rapports institutionnels si Juan Branco n’était pas radié, ce qui s’est avéré vrai.
- Avoir fait poursuivre pour faux et usage de faux une Procureur, exfiltrée depuis du fait de ses fautes, et dont la commission de faux a été actée.
Tout cela est évidemment ridicule. Un prétexte.
Juan Branco, qui a été l’objet d’une multiplication de procédures pénales et judiciaires toutes plus farfelues les unes que les autres depuis 2017, fait l’objet d’un harcèlement institutionnel à la hauteur de son courage et de son engagement. Il a révélé que
Depuis la parution de Crépuscule, son soutien aux Gilets jaunes, son engagement auprès de Wikileaks, Julian Assange, le peuple sénégalais, les panafricanistes et tant d’autres, il a été accusé de viol, de terrorisme, d’attentat, de harcèlement, de provocation à la commission de crimes et délits…
Des milliers d’articles ont cherché à accréditer ce qui se disait à ce sujet pour essayer de le désactiver.
Pourquoi ? Parce qu’il leur fait peur.
Reprenons les mots qu’a eu la ministre Aurore Bergé a son sujet:
« Il y a pire que celui qui tabasse ou qui menace: il y a celui qui arme les esprits ».
C’est aussi caricatural que terrifiant. Et le plus bel hommage qui puisse être rendu à un intellectuel et un avocat.
Alors qu’on cherche à le priver de sa robe, notre responsabilité est désormais de nous engager.
Alors qu’ils cherchent à le radier en plein milieu de l’été, à nous de montrer qu’il ne sera pas laissé sur le côté.
Mobilisons nous. Rendons-nous à l’ordre des avocats du Barreau de Paris pour assister à l’audience et le soutenir.
2/4 RUE HARLAY (75001) LE 16 JUILLET À 12H30.
C’est à nous de jouer !

Juan Branco face à Faits & Documents
Soral, qui vient de vendre son collaborateur Xavier Poussard (à l’origine de la rumeur Trogneux) à l’Élysée, cherche obsessionnellement à mordiller Branco, dont il voit qu’il commence à réussir son pari. Et quelle surprise de le voir faire en s’appuyant exclusivement sur les médias oligarchiques. Les voilà réduits à citer Paris Match et le JDD, pour s’attaquer à un jeune homme de 35 ans en pleine bourre, qui a aidé des milliers de personnes à prendre conscience du fonctionnement du système. Triste fin de vie. Le plus triste encore, ce n’est pas que cet empilement de rumeurs soit truffé d’erreurs.
Passons sur les choses débunkées mille fois déjà, comme son rapport à Assange, y compris par le principal concerné, Filippetti, Yale ou Wikipedia. On peut comprendre que ce jaloux maladif se trompe par absence de travail et rage. Passons sur le fait que « faits et documents » invente des membres de jury de thèse qui sont pourtant accessibles en deux clics. Mille exemples de cette nature rendent la chose inexploitable, et attestent du manque de fiabilité des auteurs, qui ont pondu une mauvaise fiche Wikipedia. C’est surtout l’incapacité à comprendre et analyser.
Pourquoi son enlèvement au Sénégal et en Mauritanie est exclu du « récit », sa lutte contre hadopi, ses enquêtes au Centrafrique, en RDC, au Yemen, pourtant librement accessibles, ses procès gagnés aux côtés de « sans dents » contre les Lacron, Lallement, Darmanin… aux côtés des convois des libertés, des panafricanistes-souverainistes, etc ?
Pourquoi aucun mot sur ses révélations sur les contrats Pfizer, la taxe carburant, les milles affaires sorties sur l’oligarchie ? Pourquoi pas un mot sur sa défense des victimes palestiniennes à la CPI et les dizaines de procédures qu’il a entamé et qui font qu’il soit aujourd’hui menacé ?
Surtout: pourquoi pas un mot sur le fond de quinze livres, dont certains proposant un travail de philosophie politique fondamental, publiés en autant d’années ? Parce que ça exigerait de travailler plutôt que de lire Paris Match et le JDD.
L’Iran est un patrimoine mondial de l’humanité dont Israël menace désormais l’existence territoriale
L’Iran est le plus ancien empire multiethnique du monde encore debout, avec une population diverse qui n’a eu de cesse jusqu’à aujourd’hui de produire certaines des formes scientifiques, artistiques et littéraires les plus universelles de l’aventure humaine. Cet Iran universel, le Louvre en porte un fort témoignage. L’Iran y est un des pays les mieux représentés, aux côtés de l’Égypte, de la Grèce et de l’Italie. Sans la formation de l’empire de l’Iran au VIIe siècle avant JC, le monde aurait été différent et sans doute moins beau. Sans l’Iran, la France ne serait pas la même. Jean de La Fontaine a trop aimé le Jardin des Roses de Saadi, ce poète dont un président de la République française, Sadi Carnot, a jadis porté le nom.
La Révolution islamique de 1979 n’a pas mis fin à ce rayonnement culturel mondial comme en témoigne le succès du cinéma iranien. Et la raison en est la continuité de l’État par-delà le changement de régime. Or ce à quoi depuis le vendredi 13 juin Israël s’applique est la destruction de ce vieil État iranien qui ne se confond pas avec le régime politique du jour, à savoir celui de la République islamique. Les bombardements israéliens vont bien au-delà de la géographie du programme nucléaire, des Gardiens de la Révolution et de la Maison du Guide, en ciblant aussi les outils indispensables à n’importe quel pays pour le maintien de son unité territoriale.
Qui en Iran ou à l’étranger chez les manifestants du mouvement Femme Vie Liberté a jamais réclamé l’incendie de la Radio Télévision nationale iranienne qui a eu lieu ce lundi 16 juin ? Qu’en sont devenues les précieuses archives audiovisuelles ? Ce n’était pas qu’un lieu de propagande. C’est là que fut créé au temps de la monarchie un centre de formation cinématographique, où après la Révolution nombre de réalisateurs iraniens ont appris leur métier, à commencer par Jafar Panahi, le dernier lauréat de la Palme d’Or à Cannes.
Ce même Jafar Panahi a en recevant son prix le 24 mai 2025 prononcé un discours inattendu auquel sa mauvaise traduction en direct a fait perdre la portée. L’ancien prisonnier politique s’est adressé aux Iraniens du monde entier, en persan, et a établi un ordre de priorité des objectifs politiques : « la liberté » (azadi) mais pas au prix de « l’unité territoriale du pays » (iekpartchegi-ye keshvar). Les Iraniens doivent-ils prendre au sérieux le cinéaste poète et croire en un danger qui a été si longtemps brandi par les seuls dirigeants de la République islamique pour défaire les mouvements sociaux à l’intérieur du pays ? La parution ce mercredi 18 juin, dans le journal israélien The Jerusalem Post d’un éditorial appelant explicitement Donald Trump à agir pour « la partition de l’Iran » ou la création d’une « fédération » en lieu et place de son État central tend à le penser.
Les bombardements des infrastructures de l’armée nationale, qui est nettement distincte des Gardiens de la Révolution, dans tout l’ouest de l’Iran, visent-il à y rendre possible la création d’un Kurdistan autonome comme en Irak et comme en Syrie, puis à leur unification en un pays indépendant ? L’armée nationale syrienne dont Israël a bombardé toutes les infrastructures, après la fuite de Bashar Al-Assad, ne pourra pas elle non plus s’y opposer. Quant au Kurdistan irakien, il est aujourd’hui le principal lieu d’implantation des services de renseignement israéliens dans le monde arabe. Et une fois l’armée nationale iranienne déstructurée, qui défendra la zone de peuplement azéri d’une prédation de l’Azerbaïdjan et les trois îlots du golfe Persique que revendique Abou Dabi, ces deux voisins de l’Iran qui se sont tant rapprochés d’Israël ces dix dernières années ?
Que les Européens y réfléchissent. Après 2500 ans d’existence, et à force d’échanges culturels, l’Iran est devenu un patrimoine mondial de l’humanité. Ce qui se joue aujourd’hui avec le bombardement massif de ce vieil empire universaliste par une jeune État nationaliste est la survie de la civilisation de l’universel sans laquelle l’Europe sera amputée d’une part essentielle d’elle-même.
Paris, le jeudi 19 juin 2025
Alexandre Kazerouni (Politologue, maître de conférences à l’École normale supérieure en études arabes et iraniennes)