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GERMAIN KATANGA, OTAGE DES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA CPI

Jan 25, 2016 | 0 commentaires

Selon le juriste Juan Branco, la Cour pénale internationale a trahi sa mission originelle en condamnant un villageois désigné par le pouvoir congolais comme un criminel de guerre.

Germain Katanga le 22 octobre 2007 à La Haye, devant la Cour pénale internationale.

Germain Katanga le 22 octobre 2007 à La Haye, devant la Cour pénale internationale. ROBERT VOS/AFP

Selon le juriste Juan Branco, la Cour pénale internationale a trahi sa mission originelle en condamnant un villageois désigné par le pouvoir congolais comme un criminel de guerre.

C’est l’histoire d’un orphelin congolais, chasseur occasionnel d’okapis qui, en 2004, alors qu’il est à peine âgé de 25 ans, est soudainement appelé à Kinshasa pour être nommé général de l’armée de la République démocratique du Congo. Le jeune homme, ne sentant pas le piège qui lui est tendu, se rend à la capitale pour la première fois de sa vie dans un avion spécialement affrété. Placé en résidence surveillée dès son arrivée, puis emprisonné durant trois ans sans charges, il est envoyé à La Haye le 18 octobre 2007 pour être jugé devant la Cour pénale internationale (CPI), dont il n’avait, du fin fond de sa forêt, jamais entendu parler.

Le 10 avril 2001, l’étudiant avait vu son école détruite par une armée d’occupation, celle de l’Ouganda, au cours d’un massacre d’une violence extrême. Rescapé parce que parti fumer en cachette pendant une pause entre deux cours, il avait alors réussi à retrouver les chefs de son village réfugiés dans les montagnes. Ces derniers, lors d’une cérémonie religieuse, lui demandèrent d’utiliser ses armes de chasse pour expurger sa culpabilité de survivant, et défendre sa communauté d’adoption, les Ngiti.

Trop heureux de recevoir un « colis »

Peu à peu, la petite milice d’autodéfense ainsi formée grandit, jusqu’à devenir l’un des acteurs clés du conflit qui opposa les forces ougandaises et congolaises dans la région des Grands Lacs. Devenu chef de la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) mi-2003, le villageois-milicien sera parmi les premiers à rendre les armes lors du retour à la paix l’année suivante, selon la CPI. Il deviendra pourtant la première personne condamnée définitivement par les juges de La Haye, après neuf ans de procédures, pour « complicité résiduelle de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ». Neuf ans pendant lesquels il recevra pour unique visite annuelle celle de sa femme et de ses enfants.

Cet homme s’appelle Germain Katanga, et son procès, mené sous le seuil de la visibilité occidentale, « n’aurait pas dû avoir eu lieu à la CPI », selon Bruno Cotte, le juge président qui pourtant le condamna. Car, comme le reconnut la cour, Germain Katanga n’avait commis aucun des crimes dont le bureau du procureur l’avait précipitamment accusé, trop heureux de recevoir un « colis » – c’est le vocabulaire utilisé entre les fonctionnaires de l’institution pour désigner les accusés. Selon les conclusions de la CPI, Germain Katanga n’était même pas présent sur les lieux de l’attaque de Bogoro du 23 février 2003 qui servit de base à son procès. On a même soutenu un temps qu’il fut le principal commanditaire et exécutant de cette attaque, sur la foi d’un seul rapport d’un seul membre d’une seule ONG, laquelle passa quatre heures près du village plusieurs mois après les faits.

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Mais la CPI ne pouvait se permettre un acquittement, ni reconnaître que celui qu’elle avait pris pour un général n’était qu’un lampiste instrumentalisé par le président de la République démocratique du Congo pour donner l’impression qu’il coopérait avec la communauté internationale. Après une procédure abracadabrantesque dont la durée ferait frémir les tenants des systèmes pénaux les plus déréglés, Germain Katanga fut condamné pour des crimes qui n’avaient plus rien à voir, ni en ampleur, ni en responsabilité, avec les accusations initiales. Pis, la CPI n’a jamais vraiment cherché à savoir qui les avait commis.

Germain Katanga le 23 mai 2014 à La Haye devant la Cour pénale internationale.

Germain Katanga le 23 mai 2014 à La Haye devant la Cour pénale internationale. HO/AFP

L’objectif était en fait de permettre au condamné d’être libéré rapidement sans que l’institution ne perde la face. Les conclusions finales, contestées par une des trois juges qui signa l’une des opinions dissidentes les plus marquantes de l’histoire du droit international pénal, avaient de quoi laisser pantois : loin d’être le chef d’une armée et le planificateur d’un massacre visant volontairement des civils, Germain Katanga avait, du haut de ses 24 ans de l’époque, aidé au transit et au stockage d’armes transmises par son gouvernement.

Des armes qui furent par la suite utilisées dans le cadre d’une attaque contre une milice alliée à l’armée ougandaise et qui avait occasionné la mort de 30 à 60 civils. Seule l’implication de la présidence de la République congolaise, à travers un document de son cabinet, put être établie.

Dans le silence du monde

Las, Germain Katanga, après treize ans de détention passés loin de son monde, de sa femme, caissière dans une petite supérette, et ses deux enfants, qu’il n’a pas vu grandir, n’est pas rentré libre en République démocratique du Congo. La CPI, après avoir réduit sa peine à neuf ans, a décidé, à un mois de la fin de celle-ci, de le renvoyer dans son pays en tant que détenu. A peine arrivé à Kinshasa, le 19 décembre 2015, le pouvoir congolais a fait savoir que Germain Katanga serait transféré dans la prison de Makala qui l’avait auparavant accueilli trois ans durant, dans le silence du monde.

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