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JUAN BRANCO INNOCENTÉ:

LES JUGES JOUENT LA MONTRE

Article de Jean-Baptiste RIVOIRE, Off Investigation, paru le 23 avril 2025

Auteur de plusieurs ouvrages critiques envers l’oligarchie et opposant notoire à la macronie, l’avocat Juan Branco est ciblé depuis 2021 par des plaintes pour « viol » ou « agression sexuelle ». Mais alors que l’instruction est achevée depuis mars 2024, le dossier ne contient toujours pas le réquisitoire définitif du parquet. Façon de faire perdurer un dossier peu convaincant au plan judiciaire, mais opportun politiquement ?

On l’aime ou on le déteste. A seulement 35 ans, l’avocat Juan Branco compte autant d’admirateurs que de contempteurs. Auteur de « Crépuscule », brûlot révolutionnaire téléchargé par des centaines de milliers de manifestants durant la révolte des gilets jaunes, il est l’ennemi juré de Gabriel Attal, avec qui il a partagé les bancs de l’École Alsacienne, un établissement privé laïc situé dans le très cossu VIème arrondissement de Paris. ll s’est par ailleurs illustré dans la défense de personnalités telles que Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, Jean-Luc Mélenchon chef de file des Insoumis, ou encore Piotr Pavlenski, artiste russe impliqué dans l’affaire Griveaux.

Branco traîne par ailleurs une réputation de garçon un peu trop « collant » en soirée. Fin 2021, après avoir passé une nuit avec une jeune fille qui l’avait contacté via les réseaux sociaux, il a été mis en examen pour « viol ». Puis à nouveau en 2023, pour « viol »et « agression sexuelle » après que deux nouvelles personnes aient témoigné devant les enquêteurs.

Des accusations qu’il combat sur les réseaux sociaux avec l’énergie du désespoir, criant au « Kompromat ». Quitte à faire fuiter illégalement des pièces du dossier, au point de s’être vu infliger par le conseil de l’ordre du barreau de Paris une suspension d’activité de 3 ans (27 mois sursis et 9 ferme) pour violation du secret de l’instruction. Il a fait appel.

Sollicitées via leur avocate dans le cadre d’un projet de documentaire, ses accusatrices n’ont pour l’instant pas donné suite aux demandes d’interview de Off investigation. Condamné d’office par le tribunal médiatique qui s’est assis sur la présomption d’innocence, Branco risque aujourd’hui la cour d’assises.

Avis de fin d’information

Après près de trois ans d’enquête, la magistrate en charge de son dossier, Nadia Zaid, a mis fin à son instruction le 15 mars 2024, rendant ce qu’on appelle un « avis de fin d’information ». La suite est régie par le code de procédure pénale : le parquet a alors trois mois pour rendre un réquisitoire qui peut soit proposer de renvoyer le mis en examen devant un tribunal, soit proposer un « non lieu » (quand l’infraction n’est pas assez caractérisée). Charge ensuite à la juge d’instruction de décider la suite qu’elle donne au dossier.

Or mi-juin 2024, soit trois mois après l’avis de fin d’information de la juge Zaid, le dossier judiciaire de Juan Branco ne comportait aucun réquisitoire du parquet. C’est encore le cas aujourd’hui, plus d’un an après que la juge a terminé son instruction. Dans un dossier aussi exposé médiatiquement, il est difficile de croire que seul, l’encombrement des tribunaux puisse expliquer un tel délai.

Vers un non lieu ?

Selon les informations de Off investigation, un magistrat du parquet aurait bien rendu un réquisitoire concernant Juan Branco. Et ce dès le printemps 2024, soit dans les délais prévus par la loi. Plus étonnant encore : ce réquisitoire signé d’un substitut du procureur préconiserait un « non lieu ». Et il aurait été transmis à l’époque à la chefferie du parquet de Paris. Ce qui veut dire qu’il dormirait depuis près de 12 mois sur le bureau de Laure Beccuau, procureure de Paris.

Contactée à ce sujet par Off investigation, elle ne nous a pas répondu. Néanmoins, le 25 avril, le service de presse du parquet nous déclarait : « Après recherches, je peux vous indiquer que ce dossier d’information judiciaire a été communiqué au parquet par le juge d’instruction pour règlement le 9 juillet 2024. Pour autant, plusieurs recours ont été formés dans ce dossier. Il y a eu très récemment une ordonnance de non-admission d’un pourvoi en cassation prononcée le 31 mars 2025. Dès lors, à ce jour, aucun réquisitoire définitif n’a encore été délivré dans ce dossier ».

Réponse de jésuite

Face à cette réponse de jésuite du parquet, qui ne dément pas qu’un réquisitoire a bien été rédigé ces derniers mois, ni qu’il préconisait un « non lieu » pour Juan Branco, Off investigation a contacté la juge Nadia Zaid, qui se mure dans le silence. Or si le code de procédure pénale prévoit qu’un magistrat instructeur doit laisser trois mois au parquet pour lui transmettre son réquisitoire, rien ne l’empêche, à l’issue de ces trois mois et en l’absence de diligence du parquet, de rendre son ordonnance finale, même sans l’avis de ce dernier. Elle aurait donc pu le faire dès l’été 2024.
En laissant trainer le dossier, la justice maintient Juan Branco, mais aussi trois plaignantes, dans une totale incertitude sur l’issue de cette procédure entamée en 2021. Tout cela à l’heure où selon une enquête alarmiste du conseil national des barreaux relayée par Le Figaro, les Français jugent la justice « incompréhensible », au point de n’être plus que 48% à lui faire confiance, un chiffre historiquement bas.

Affaires Juan Branco : vers un non lieu ?